Le Grand-orgue : deuxième du nom

Il faut attendre le XII ème siècle pour que cet instrument connaisse un réel essor. Il trouve alors progressivement sa place dans la liturgie Catholique et s’installe dans les riches églises, cathédrales et abbatiales. Dans le diocèse de Thérouanne, d'après un ancien rapport capitulaire, des orgues sont présentes dès 1385 à Saint-Omer (abbaye Saint-Bertin et collégiale Notre-Dame) et à Thérouanne dans la Cathédrale.
L'orgue ancien de Saint-Omer avait un faible volume sonore et obligeait son rapprochement du choeur. Il se trouvait près des grandes croisées circulaires disposées au fond de la nef transversale.
Il fut déplacé en 1391 et placé au-dessus de l'entrée de la chapelle Saint-Charles-Borromée, d'après les divers inventaires datant des XV ème et XVI ème siècles.
L'orgue que nous connaissons de nos jours est son successeur et il fut construit au début du XVIII ème siècle, c'est l'un des plus beaux de sa génération. Le buffet, chef d’œuvre de l’art baroque, a été construit, en 1717, par les frères Antoine-Joseph et Jean-Henri Piette, maîtres sculpteurs sur bois et menuisiers à Saint-Omer et leur beau-frère Jacques-Joseph Baligand. L'instrument lui fut construit par les Frères Thomas et Jean-Jacques Desfontaines, facteur d’orgues à Douai en 1717. Pendant près de 140 ans, divers travaux d’entretiens et de réparation dénaturent et transforment l’instrument d’origine. La réhabilitation de cet orgue fut Effectuée en 1855 par Aristide Cavaillé-Coll de Paris, le plus important facteur d’orgue du XIX ème siècle.
Matériaux et techniques :
Chêne avec décor en relief, décor en ronde bosse, peint, ajouré, utilisation d'étain.
Description matérielle : L'ensemble des menuiseries et des sculptures est en chêne. Le tambour de porte et la tribune, de plan complexe, à cinq travées, sont homogènes et soigneusement articulés - les panneaux du garde-corps sont pleins. Le positif est à trois tourelles et deux plates-faces - le grand buffet est composé en façade de cinq tourelles et quatre plates-faces - les tourelles latérales sont accostées de jouées ajourées - élargi et approfondi au XIX ème siècle pour accueillir la boîte expressive, le grand buffet ne possède plus de fond - les tuyaux de façade sont en étain. La console, en chêne, est en fenêtre. La transmission est mécanique non suspendue. Les sommiers sont en chêne. La tuyauterie, homogène, est en étain, étoffe et sapin.
Iconographie : Trophée ; feuille de chêne ; feuille de laurier ; Vierge à l'Enfant ; Salvator Mundi ; saint Thomas d'Aquin ; saint Antonin de Florence ; saint Hyacinthe ; saint Pierre de Vérone ; saint Pie V ; saint Dominique de Guzman ; sainte Catherine de Sienne ; sainte Claire d'Assise ; guirlande ; fleuron ; rinceau ; volute ; à chute végétale ; feuille d'acanthe ; ange : trompette.
Le décor du tambour de porte et de la tribune est logiquement distribué : des trophées enrubannés à feuille de chêne ou de laurier tombent des travées les plus étroites, tandis que, dans les travées les plus larges, deux sculptures en haut-relief ( la Vierge à l'Enfant en gloire au sud, l'Enfant Jésus Sauveur du Monde au nord ), en pendant, sont disposées dans des niches. Le garde-corps de la tribune présente une alternance de panneaux larges et étroits ornés en leur centre de bustes de saints dominicains, en médaillon, identifiés chacun par une inscription ( saint Thomas d'Aquin, saint Antonin de Florence, saint Hyacinthe de Cracovie, saint Pierre de Vérone, saint Pie V, saint Dominique de Guzman, sainte Catherine de Sienne et sainte Claire ) ; l'entablement de la tribune est orné alternativement de guirlandes et de fleurons. Les claires-voies des plates-faces du positif sont à rinceaux ; les tourelles latérales sont accostées de volutes. La sculpture ornementale du grand buffet est composée de guirlandes, de chutes de fleurs et de fruits sur les culots des tourelles et aux extrémités du massif ; les claires-voies sont ornées de rinceaux d'acanthe et d'enroulements feuillagés ; des statues de la Vierge, de saint Dominique et d'anges amortissaient les tourelles ( elles ont disparu ) ; les jouées ajourées sont ornées de figures d'anges jouant de la trompette, émergeant d'un décor fair de volutes, de feuillage et de fleurons.
Description historique :
Le buffet date du XVIII ème siècle ( analyse stylistique ) ; la tribune d'orgue et le tambour de porte datent probablement des années 1770-1780 ( analyse stylistique ) ; l'ensemble provient de la chapelle du couvent des dominicains de Bergues (59) ; il a été acheté en 1792 par Hilst, curé constitutionnel de Warhem ; la partie instrumentale est réparée assez rapidement, en 1805, par Guilmant, facteur à Saint-Omer (62) ; elle est refaite par Louis Neuville, facteur à Rexpoëde (59), en 1865 et 1866 ; ce facteur avait déjà refait les claviers de la console en 1861 ( date portée ) ; à cette occasion, le grand buffet est élargi et approfondi par le menuisier Tillié et le sculpteur Decuyper ( archives paroissiales ) ; l'instrument est réparé en 1925 par les facteurs Joseph et Pierre Loncke, au titre des dommages de guerre ; l'orgue est touché par un bombardement en 1940 et restauré par la Maison Vansteene et Loncke, de Ghyvlede (59) ; les travaux ont été réceptionnés en 1963.

Liste des Organistes

Dix huit Organistes se sont succédés à sa maitrise :
La liste de ces virtuoses sera communiquèe sous peu.


Ci-dessous le plan de la Cathédrale ou nous avons matérialisé ( en rouge ) l'emprise au sol du Grand-Orgue tel qu'il est en 2020.

Son histoire

Des retouches sont apportées à l’instrument par Antoine Séquiès, de Lille. L’inauguration a lieu le premier mai 1927 par Henri Nibelle, organiste de Saint-François de Sales à Paris et Maurice Linglin, organiste titulaire de la cathédrale.
En 1973, La partie instrumentale est classée monument historique, et, dès lors, la restauration totale des orgues de Saint-Omer, buffet et instrument peut commencer. Les travaux commencent en 1985, sous l’impulsion du Maire de la ville et de Madame Christiane Lesage, conservateur régional des Monuments Historiques. Le Dimanche 11 décembre 1988 l'inauguration de l’orgue se fera en présence de Messieurs Philippe Lefebvre du CNR de Lille, titulaire à Notre-Dame de Paris et Jean Boyer, professeur d’orgue au CNR de Lille, titulaire à Saint-Séverin et Saint-Nicolas des Champs à Paris.


Registre musical de l'instrument après restauration

Positif 1er clavier - 54 notes
Montre 8, Bourdon 8, Salicional 8, Prestant 4, Dulciane 4, Flûte douce 4, Nasard 2 2/3, Doublette 2, Plein jeu (- fourniture 3r + cymbale 2r), Cornet 5r, Trompette 8, Clairon 4, Cromorne 8
Grand Orgue 2e clavier - 54 notes
Montre 16, Montre 8, Bourdon 8, Gambe 16, Viole de gambe 8, Bourdon 16, Prestant 4, Flûte octaviante 4, Cornet 5r
Bombarde 3e clavier - 54 notes
Flûte harmonique 8, Octave 4, Doublette 2, Fourniture 5r, Cymbale 4r, Bombarde 16, Trompette 8, Clairon 4, Basson 8
Récit expressif 4e clavier - 54 notes
Voix humaine 8, Basson et Hautbois 8, Viole de gambe 8, Voix céleste 8, Flûte harmonique 8, Viole de gambe 4, Bourdon 16, Flûte octaviante 4, Octavin 2, Bombarde 8-16, Trompette 8, Clairon 4
Pédale 27 notes réelles / 30 notes avec tirasses
Flûte 16, Flûte 8, Flûte 4, Bombarde 16, Trompette 8, Clairon 4, Plus une pédale d'orage






Orgue de la Cathédrale de Saint-Omer|Sophie-Retaux


Cathédrale de Saint-Omer|chapelles



Description symbolique du Buffet d'Orgue

Approchons-nous du merveilleux buffet. Baissons les yeux. Quittons les hautes sphères. Regardons le portique qui porte l'instrument : quelle perspective grandiose ! Les colonnes cannelées, décalées en oblique, sont au nombre de 12. Comment ne pas penser aux 12 Apôtres ? Pour nous aider, Pierre et Paul sont là, que l'on appelle justement « les colonnes de l'Eglise ». Ces deux hommes, différents et complémentaires, représentent les deux aspects de l'Eglise que l'on aime beaucoup, aujourd'hui, distinguer : l'institution et la mission.

Saint Paul
Représente la mission de l'Eglise, à l'extérieur d'elle-même. Cet l'aspect missionnaire de l'Eglise, c'est Saint Paul, l'Apôtre des nations païennes, qui l'incarne. Regardez-le donc : appuyé sur l'instrument de son martyre (il a péri par le glaive) chevelure et barbe fleuve, la tête inclinée, il regarde son jarret ! C'est que ses jambes amorcent un départ, on dirait même un pas de danse, il nous semble qu'il va bondir...
Saint Pierre
Qui brandit les clés du Paradis dans une attitude très déclamatoire, le visage socratique, c'est l'institution. On pense alors à tout ce que fait l'Eglise à l'intérieur d'elle même, pour les membres qui lui sont déjà tout acquis. Remarquez le drapé fluide et ondoyant du vêtement de Saint-Pierre : rappel de l'Antique, qui laisse deviner que les Piette avaient reçu une solide culture classique, peu commune chez les sculpteurs de province.
Levons les yeux
Portons nos regards au premier étage, en remarquant qu'on retrouve dans le buffet d'orgue l'élévation à trois étages de la nef gothique, bien qu'il n'y ait pas correspondance étroite. C'est là que les tuyaux du positif, au centre, dissimulent à nos yeux la console aux cinq claviers. C'est donc là que tout se joue, c'est là que mains et pieds de l'organiste entrent en action pour que des flots de musique déferlent dans toute la cathédrale. C'est le lieu de l'agir... le lieu de la vie...
Une question nous est posée : quelles sont les conditions pour que cette action et ce chant soient une vraie louange à Dieu ? Si cela concerne l'artiste qui joue, cela concerne aussi toute l'Église, Corps du Christ, puisque tout ce qu'elle fait doit donner à Dieu Louange et Gloire. La réponse est là, taillée dans le bois, et elle est claire : vivez la Foi, l'Espérance et la Charité. Voilà les incontournables conditions pour que l'Eglise ne fasse pas « du toc » en fait de Louange !
La Foi
A gauche, la Foi : c'est vrai qu'il faut, d'abord et avant tout, avoir au coeur cette certitude, ce regard sur l'invisible, cette confiance que l'on nomme la Foi, sinon nos chants, notre musique, se réduisent à une belle réalisation humaine, à du théâtre... La Foi est représentée par ce personnage qui propose une grande et belle croix toute enveloppée d'or : au centre de notre Foi de chrétiens, il y a le Mystère de la Croix qui est un Mystère d'Amour du Christ, justement pour son Eglise.
L'Espérance
A droite, l'Espérance : c'est vrai qu'il nous faut espérer rejoindre Dieu un jour, et compter déjà sur lui pour aujourd'hui, pour que nos chants et notre vie soient une louange. Et, à ce niveau, les pièges sont nombreux. Regardez cette femme qui symbolise l'Espérance Chrétienne, regardez le geste énergique et expressif qui est le sien : de la main droite, elle fait fi des espérances humaines, elle les rejette ! Elle nous dit : « Si vous ne mettez votre espérance que dans l'Argent, le Plaisir, la Puissance, l'Orgueil et autres voies en impasse, vous êtes perdus! Prenez plutôt cette ancre d'or que je vous tends, c'est l'Espérance. Elle opère votre ancrage dans la Vie Eternelle... »
La Charité
Et la Charité ? Où donc la voyez-vous représentée ? Regardez ce petit orchestre de chérubins, tous ces angelots musiciens qui ont la vivacité joyeuse et le visage attentif que les Piette ont donné à la plupart de leurs personnages. Ils chantent à pleine voix, ils jouent de la guitare, de la viole de gambe et du violon, sous l'impérieuse baguette d'un petit chef d'orchestre. C'est que la charité, c'est tout un ensemble, tout un bouquet, toute une symphonie de petites actions que l'on répète tout au long de la vie.
Les armes du chapitre
Mais, à ce même étage, au-dessus des portes latérales, il y a aussi d'autres putti, non musiciens cette fois, qui présentent les cartouches aux armes du chapitre commanditaire : « d'azur trois pommes de pin d'or, posées deux et une ». Intégrons cela à notre contemplation mystique en nous disant que l'armoirie représente toute l'identité de la personne ou de la famille : toutes nos capacités, tous nos talents, tout ce que nous avons reçu des nôtres, et ce que nous avons acquis pour être ce que nous sommes... eh bien, c'est cette totalité de notre vie qui doit être une louange pour Dieu !
Levons encore les yeux...
C'est le second étage de notre buffet..
Les tuyaux d'orgue
Nous n'y voyons qu'une multitude de lignes verticales. Laissons-nous saisir par la verticalité de tous ces tuyaux d'orgue qui montent plus haut que la terre. Quel spectacle! Quel élan! Quelle ivresse! Les longs pointillés d'or qui grimpent dans les boiseries de séparation ne nous font-ils pas comme un petit clin d'oeil ? On pense aux lignes médianes discontinues de nos autoroutes !... C'est qu'ils vont se rejoindre, à grande vitesse dirons-nous !
Le plan cintré
Remarquons en passant le plan cintré, la disposition en hémicycle. Cette particularité du buffet d'orgue de Saint-Omer est assez rare, soit dit en passant, car, en général, les buffets sont plus souvent convexes que concaves. L'enveloppement de tout le buffet opère avec magie: il nous rassemble, nous unit, nous emporte.
Les hautes Tourelles
Et nous voici maintenant là-haut, tout là haut, où l'Église, Corps du Christ, trouve achèvement et plénitude. Deux grandes figures, couronnant les hautes tourelles, seront le signe de la réussite de l'Oeuvre du Christ: le roi David et sainte Cécile. Traités avec beaucoup de force, chacun avec son instrument du musique, la harpe pour le roi David, l'orgue portatif pour Sainte Cécile, ils sont tous deux inclinés : ils suivent la musique de l'orchestre des anges tout en nous regardant, nous, membres du Corps du Christ...
Le roi David
David a donné à Dieu Louange et Gloire : il a écrit les Psaumes de la Bible. Il a vécu 1000 ans avant le Christ. Il n'a donc pas été visiblement ni physiquement « membre de l'Église, Corps du Christ ». Serait-ce que ce grand Corps déborde ses frontières visibles ? Rien de plus vrai : le Christ est le Sauveur universel. Il a sauvé -par anticipation- les hommes qui vivaient avant sa venue et participaient à son Esprit par la sainteté de leur vie. Ce grand et majestueux roi David représente tout les hommes droits, sincères et religieux de toutes les grandes religions ! Pourquoi mettions-nous une limite à l'amour de Dieu et à l'universalité du salut apporté par le Christ ?
Sainte Cécile
Mais n'oublions pas pour autant notre chère Sainte Cécile ! Car, tout de même, la tranche d'humanité qu'elle représente, et dont nous sommes pour la plupart, a valeur précieuse aux yeux de Dieu ! Il s'agit, cette fois, des baptisés, des membres conscients de l'Eglise fondée par le Christ...
Levez les yeux au ciel
Là-haut, une trouée de lumière ! Un appel vers l'infini ! Et cet infini semble se déverser vers vous grâce à l'heureux mariage des arêtes de la voûte gothique et des corniches curvilignes de la montre. Ne voyez-vous pas qu'il y a là comme un immense coeur renversé, et qui déverse de la lumière, incliné vers vous ? Suger, que l'on pense originaire de Saint-Omer (?!), a créé, dit-on, le style gothique parce qu'il voulait que la lumière, que beaucoup de lumière, jaillisse en haut des voûtes des églises... Mais, souvent, les buffets d'orgue ne peuvent que s'adosser à une muraille aveugle ! Ici, on a respecté la source de lumière : le buffet d'orgue s'est incliné pour lui livrer passage ! Et il y a plus : dans les nervures flamboyantes de la fenêtre haute de la tour, lorsque l'on est bien dans l'axe, on voit se dessiner un Triangle, image classique de la Sainte Trinité, juste derrière l'Enfant-Jésus !
Les anges
Les deux grands anges sonneurs de trompette, dont le contre-jour découpe l'élégance des gestes et la fluidité des tuniques, et les deux anges placés plus bas qui jouent de la conque marine et du serpent, représentent tous les Esprits célestes, et ils ne cessent pas de chanter la Gloire de Dieu ! En effet, sur l'étendard bleu de chaque trompettiste, on peut lire, en lettres d'or, le chronogramme suivant : « eXCeLsI In LaVDeM » (à la Louange du Très-Haut) et les lettres majuscules indiquent 1717, date de l'achèvement du buffet.
Jésus-enfant
Mais, planté sur la terre, voici l'Enfant-Jésus ! On le dirait propulsé par la trouée de Lumière ! Il est là, aérien, intemporel, il a déjà les attributs du Ressuscité du matin de Pâques : l'auréole triomphale ceint sa chevelure, et de la hampe de la croix, qui est l'Etendard Pascal, il vise la tête de l'antique serpent. Pourquoi donc ce Jésus-Enfant, frêle et léger, et non pas le Christ en croix, le Christ enseignant, le Christ Pantocrator, le Christ du jugement dernier... Oui, pourquoi ? Sans doute pour évoquer ce que la théologie appelle « le Mystère de l'Incarnation » et pour nous redire que le Fils de Dieu est bien celui qui est venu dans l'humilité. Et s'il est ainsi planté sur la terre, n'est-ce pas pour y planter, à son tour, l'Eglise qui sera son corps Mystique ?...
Les hommes
Ceux-ci sont représentés, au milieu du buffet, par un globe terrestre tout rond et tout bleu, posé comme en équilibre sur la tourelle centrale, et tout irait pour le mieux, s'il n'était pas encerclé, enserré, étouffé, par le Serpent du Mal ! La Bible ne nous a-t-elle pas dit que le désordre originel a détourné l'homme de son Dieu et a fermé sa bouche et son coeur à la Louange ? Si l'homme n'est pas d'abord libéré du mal, il ne saurait chanter la gloire de Dieu, il ne saurait donner à son Créateur, la libre louange.




Buffet d'Orgue étages supérieurs
Buffet d'Orgue étages supérieurs
Buffet d'Orgue étages supérieurs
Buffet d'Orgue

Descriptions complémentaires apportées par les Amis de la Cathédrale

Le 17 février 1716, le chapitre passe la commande d’un buffet pour le nouvel orgue avec un délai de 18 mois qui sera respecté. En chêne du Danemark, œuvre magistrale des Piette, Jean le père, ses fils, Jean-Henri et Antoine-Joseph, et le gendre Jacques-Joseph Baligand, menuisiers à Saint-Omer, capables de concevoir et de réaliser une telle œuvre qui culmine à 20 mètres de haut. C’est la plus belle réalisation de cet atelier familial. « Le plus beau buffet d’orgues baroque de France » d’après KTO. Elles coûtèrent 200.000 F en 1717. Statuaire typique de l’art baroque : mouvement ascensionnel, souci d’émouvoir, importance des saints, putti. Les drapés à l’antique montrent la culture classique des Piette. Le plan convexe, qui enveloppe, est nouveau. Les buffets sont souvent concaves. Le buffet exalte l’Eglise et sa mission, suivant les consignes dites de « saint Charles Borromée ». Selon le Concile de Trente en 1540, une œuvre doit avoir un sens. Elle glorifie l’Eglise. Selon le rite Tridentin, l’’orgue est le seul instrument autorisé pour accompagner la messe.
En bas, l’Eglise d’hier : les 12 colonnes cannelées représentent les 12 apôtres. Les deux statues des saints Pierre et Paul sont attribuées à Jacques-Joseph Baligand, sculpteur de Saint-Omer, né à Mons, mort en 1753. Il aurait eu 23 ans quand il a effectué ce travail. Saint Pierre avec ses clés, l’Eglise instituée, l’annonce aux Juifs. Saint Paul avec l’épée car il a été décapité et non crucifié, en tant que citoyen romain, l’Eglise envoyée. Epitre aux Ephésiens : « Prenez l’épée de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. » Epitre aux Hébreux : « Elle est vivante la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants : elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles : elle juge des intentions et du cœur. » Son mollet qui a beaucoup marché. Annonce aux Païens. Premier étage, l’Eglise d’aujourd’hui : la foi avec sa croix et l’espérance avec son ancre. L’image vient de l’épitre aux Hébreux : « cette espérance est sûre et solide comme une ancre. » La Contre-réforme multiplie les angelots et les « putti ». Les angelots jouent de la guitare, de la viole de gambe et du violon. Au-dessus des portes latérales, on voit les armes du Chapitre : « d’azur à trois pommes de pin d’or, posées deux à une ». Armes adoptées au XV ème par le Chapitre, car elles étaient celles de la famille de Waldebourg, d’où la tradition faisait descendre saint Omer. L’orgue n’est pas plat : on dirait un théâtre avec des portes et l’orchestre dans sa fosse. Les tuyaux du positif cachent la console : quatre claviers manuels et un pédalier.
Second étage, l’Eglise du ciel : tuyaux et guirlandes, tout est à la verticale. Nous montons vers le ciel où nous retrouverons Jésus. 3294 tuyaux. Dans les hauteurs : la fête éternelle : avec les anges et les saints de tous les temps : le Roi David avec sa harpe représente l’Ancien Testament et sainte Cécile, jeune romaine martyrisée, avec son orgue portatif, (elle chante pendant son martyr) représente le nouveau. On la fête le 22 novembre. [1903 : « Pendant la Révolution, la rage idiote des sectaires descendit la statue du roi David dans l’intention de la livrer aux flammes mais elle fut heureusement préservée du bûcher » Une voix fit remarquer qu’on pouvait simplement lui retirer sa couronne et son sceptre pour le transformer en musicien.] Au centre, la terre en globe bleu, est surmontée d’un Jésus adolescent (rare, cela montre que la sainteté est pour tous les âges), avec la croix, il détruit le mal représenté par le serpent. A côté de lui, deux petits anges : l’un joue de la conque marine et l’autre du serpent, (un instrument en bois qui donnait la note pour le chant). (On voit aussi un serpent dans les stalles de la cathédrale d’Amiens). Il est entouré de 2 anges trompettistes : sur l’étendard bleu de chacun d’entre eux, est écrit en latin, en or « Excelsi in Laudem » = A la louange du Très-Haut. Un chronographe sur l’étendard de l’une des deux trompettes, donne la date de 1717, probablement la date d’achèvement du buffet. Derrière un trou ovale pour une meilleure acoustique.
Mécanisme d’origine : les facteurs d’orgues Thomas et Jean-Jacques Desfontaines de Douai, sonorité classique. L’orgue est commencé en 1717. Restauré et modifié par Aristide Cavaillé-Coll en 1855, sonorité plus romantique, remis en état en 1988, il possède 4 claviers manuels, 1 pédalier, 50 jeux, près de 3.300 tuyaux, les plus hauts ont 5 mètres. Cavaillé-Coll a apporté des innovations clés à ces instruments. Cavaillé-Coll s’est fait connaître par l’orgue de la Basilique Saint-Denis. L’orgue est inauguré en 1855 par l’organiste de Saint-Sulpice, M. Lefébure de Wily. Classé Monument Historique en 1973. Aussi beau à voir qu’à entendre : l’un des plus beaux de France. François Bocquelet qui a été le titulaire des orgues : « Tous les jeux sont beaux, rien ne choque, rien ne gêne. Chaque jeu a son charme, sa douceur ou sa présence. Quand j’arrive à la tribune et commence à faire sonner ses tuyaux, j’oublie tout le reste et j’ai l’impression d’arriver au paradis. » « Trois mots en français qui sont masculin au singulier et féminin au pluriel : c’est un réel délice de jouer de l’orgue avec amour. »
La Marseillaise : Avant d’être en garnison à Strasbourg, Rouget de Lisle avait été en poste à Saint-Omer. Il y a entendu un oratorio composé par le Maître de Chapelle de la cathédrale qui se nommait Grisons, sur le texte biblique du livre d’Esther. Dans « La marche d’Assuérus », on retrouve note pour note, la mélodie de « La Marseillaise ». Démonstration lors d’un grand concert en 1989. Derrière l’orgue, une immense ouverture dans la voûte pour l’ascension du bourdon au XV ème, « Julienne ».





Orgue de la cathédrale de Saint-Omer
Monsieur Cavaillé-Coll
Restauration de l'Orgue de la cathédrale de Saint-Omer 2017 | Pour fêter le tricentenaire de son buffet, la Ville de Saint-Omer et la DRAC ont offert à l’orgue un grand «lifting ». Un cadeau de 37 000 euros que cet instrument d’exception mérite largement.
Orgue de la cathédrale de Saint-Omer

Aristide Cavaillé-Coll 1811-1899 l'homme

Une œuvre immense portant aux quatre coins du monde (de Pékin au Pérou) avec fierté sa signature, une gloire aussi grande dans la postérité que de son vivant, un génie reconnu de ses plus impitoyables adversaires, tout cela fut le lot d'Aristide Cavaillé-Coll, sans doute le plus fameux facteur d'orgues de l'Histoire. Cette accumulation de chefs-d'œuvre, ce nom devenu quasiment un lieu commun, cette plaque fameuse qu'il a marquée sur ses consoles au point même qu'aujourd'hui certains l'imitent, toute cela a peu à peu rendu légendaire un être hors pair qui fut cependant un homme mêlé à tous les courants d'un siècle à la gloire duquel il a grandement contribué. Deuxième fils d'un facteur d'orgues, le jeune Aristide débute comme un "enfant de la balle". Une vision hagiographique nous le montre au milieu des résidus d'atelier, cherchant, manipulant, inventant déjà. Ne lui doit-on pas alors la création de la scie circulaire et d'un pseudo-harmonium. Très vite, il s'impose, face à un père et à un frère aîné qu'il semble déjà écraser de sa forte personnalité. Ambitieux, en son début de carrière, il joue de ses relations : musicales, comme Rossini ou politiques, avec Thiers. Il s'installe dès 1833 à Paris où, parmi d'autres travaux, il va être remarqué en 1844 avec l'achèvement du grand-orgue de Saint-Denis. Il est intéressant de voir dans cet instrument exceptionnel tout ce qui fera le génie (le mot n'est pas trop fort) de son créateur : souci de synthèse avec l'œuvre de ses prédécesseurs, accumulation de découvertes mécaniques et pneumatiques et qualité étonnante de la réalisation matérielle. Après un pareil éclat il semble cependant que l'orgue de la Madeleine en 1846 soit plus important dans l'évolution esthétique de Cavaillé-Coll et celle de l'orgue du XIXe siècle. Avant d'ériger ce grand instrument notre homme avait sillonné l'Europe dans un voyage très formateur, observant ici les défauts, reconnaissant ailleurs des qualités nouvelles. À la Madeleine, donc, l'évolution est complète même si certains aspects de la fabrication nous rappellent Saint-Denis. Le monde sonore est enfin celui dit "symphonique". L'instrument à tuyaux qui, de tous temps, a évolué parallèlement à l'orchestre retrouve totalement celui de ses contemporains romantiques : chaleur de l'ensemble des timbres, variations puissantes d'intensité obtenues avec facilité, grande clarté du médium sans être écrasé par des basses trop lourdes ni dominé par un aigu excessif. En outre, et le siècle est là, l'organiste est mis en évidence comme un virtuose : la console aide son jeu, lui permet une exécution plus confortable cependant qu'elle le place à l'égal d'un pianiste, devant le buffet de l'orgue, face à la nef. Il n'est pas dans notre propos d'indiquer tous les lieux (salles de concerts, cathédrales, paroisses, salons privés) qui furent ornés d'un Cavaillé-Coll. Peu à peu, rue de Vaugirard puis avenue du Maine, notre facteur avait construit une entreprise moderne dont les produits furent édifiés dans le monde entier. Du petit orgue de salon à ceux de Saint-Sulpice ou de Notre-Dame de Paris on relève le même soin apporté à un produit, certes de l'époque industrielle, utilisant toutes les techniques de son temps, mais dont la réalisation est encore celle de l'artisan amoureux du travail bien fait proche de la perfection. Il est évident qu'une pareille exigence était difficile à gérer sur le plan financier : Cavaillé-Coll fit plusieurs fois faillite avant de finir dans la gêne.

Aristide Cavaillé-Coll 1811-1899 l'oeuvre

Son talent et son renom lui firent obtenir les plus grands chantiers, la qualité exceptionnelle de son travail lui permit de recevoir de nombreuses récompenses alors que le mouvement musical issu de son esthétique en fit le modèle même de ce courant symphonique métamorphosé peu à peu jusqu'au XX ème siècle. On peut dire qu'il autorisa la création d'œuvres de Franck à Messiaen. Ce serait cependant le cantonner dans un domaine particulier si l'on ne songeait qu'il fut considéré comme le modèle pour interpréter Bach que l'on redécouvrait de son temps. Que les organistes soient allemands, belges ou français (Widor, Saint-Saëns et Gigout), tous utilisaient la clarté de ses sonorités, admirant la lisibilité toute symphonique issue paradoxalement d'une juxtaposition de jeux évoquant plutôt l'orchestre de Brahms ; mais cette polyphonie était alors celle où l'on voyait le contrepoint le plus évident par opposition aux couleurs d'un orgue classique français alors considéré comme une pièce archéologique. L'un des aspects les plus remarquables de son caractère est sans conteste sa culture et son amour de la musique et des musiciens. Les relations avec tous ses contemporains étaient exemplaires, mais au-delà d'un bon repas partagé avec Franck ou Widor, il y a la curiosité d'un homme qui écoute passionnément Liszt ou Pauline Viardot (pour qui il construisit un petit orgue). Très âgé, il n'hésite pas à se rendre à Bruxelles pour entendre la Messe en si de Bach ! Il est difficile même aujourd'hui de donner sa juste place à Cavaillé-Coll. Ses détracteurs, il en existe toujours, ne voient en lui que le représentant d'un XIX ème siècle qu'ils méprisent ; ses laudateurs, fascinés par la beauté puissante de ses œuvres, en perdent un peu de leur sens critique. Homme de son temps il le fut pleinement : patron, ingénieur, acousticien, épousant parfaitement les goûts du XIX ème siècle. Mais au-delà, grâce à un savoir-faire exceptionnel, une vision musicale supérieure à celle de ses contemporains, il dépasse son époque, nous laissant une œuvre qui, sans chauvinisme, relève aujourd'hui du patrimoine de l'humanité.



Orgue de la Cathédrale de Saint-Omer|Sophie-Retaux



Auteurs

Montage & Photographies Les Amis de la Cathédrale
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